Aujourd’hui, les salariés des alpages ont décidés de ne plus taire les conditions de travail auxquelles ils font face, et de contre-attaquer en mettant aux prud’hommes les éleveurs aux pratiques délétères.
Pour mieux comprendre notre colère, voici les situations dont a eu connaissance le SGT38, et qui se sont déroulées pour la majorité dans les départements de Savoie, Haute Savoie et Isère en l’espace de quelques mois d’estive.
Des problème avec les contrats de travail :
Des contrats qui ne sont pas remis en temps et en heure par l’employeur, parfois au bout d’un mois de travail, parfois volontairement à la fin du contrat. Un berger a du contacter la MSA pour vérifier qu’il était bien déclaré car il n’a reçu aucune preuve d’embauche.
Une promesse d’embauche non tenue car le salarié a négocié ses conditions de travail.
Un berger a travaillé 15 jours au début de la saison, sans être déclaré, pour 500€ ! C’est moitié moins que ce qu’il aurait du gagner s’il avait été déclaré.
Des Documents Uniques d’Évaluation des Risques Professionnels qui se font rares
Des problèmes de salaire :
Des bergers seuls en alpage mais embauchés au palier 1.
Une salariée embauchée comme aide bergère alors qu’elle est seule sur la montagne.
Des heures qui manquent sur la fiche de paye, des majorations non respectées,
Et des salariés qui ne sont pas payés, du tout.
De nombreux problèmes de temps de travail et de droit au repos
Un berger qui fait seul le travail de deux personnes car les aides bergers successifs refusent de rester à cause des conditions de travail.
Des bergers obligés de travailler 7/7j, payés 6 jours.
Des bergers embauchés avec un contrat de 35H alors qu’ils en font le double.
De 6H30 à 22H, des journées de 16H de travail sans interruption.
De manière très généralisée, les 11H consécutives de repos quotidiennes ne sont pas respectées.
Des surcharges de travail à causes d’agnelages « surprise » organisés en montagne par des éleveurs.
Un berger amené à travailler sans chien alors que les éleveurs devaient lui en fournir un.
Un berger qui s’est vu licencié car il a menacé l’employeur de « respecter ses 44H de travail ».
Des problèmes de logement récurant
Avec des salariés qui vivent dans des taudis, qui souffrent du froid et tombent malades car ils ont un poêle qui fume, qu’ils manquent de bois, qu’ils n’ont pas d’eau chaude ou que les murs de la cabane ne jointent pas.
Des bergers logés en caravane.
Des bergers logés en tente.
Des logements sans électricité.
Des salariés souffrant du manque d’intimité, avec une chambre pour deux bergers.
Une cabane devant être partagée avec l’employeur, qui fait dormir son berger par terre lorsqu’il vient.
Des invasions de fourmis, de puces, de rongeurs dans la cabane.
Des bergers contraint de se loger au camping sur leurs propres frais.
Des bergers complètement isolés car ils n’ont pas de réseau téléphonique nulle part sur la montagne.
De graves problèmes d’eau :
Des cabanes sans eau, sans douche, sans toilettes.
Lorsqu’ils ont la chance d’avoir de l’eau, les bergers découvrent dans leurs captages : de la boue, des algues roses, des sangsues, des grenouilles mortes, esherichia coli…
Plusieurs cas d’intoxication à l’eau. En Isère, deux bergers ont été malades à cause de l’eau. D’après leur propre mot « Même leurs chiens ont été malades. » Dans le 05, deux bergers ont été héliportés et hospitalisés d’urgence. Aujourd’hui, ils ont encore des séquelles.
Une autre bergère nous dit « boire de la boue », et doit se déplacer dans la montagne avec sa bouteille pour prendre de l’eau aux sources.
Des accidents du travail
Un dérochement et une chute de 10 mètres, une triple fracture…
Des difficultés à faire reconnaître les accidents par la MSA.
Des accidents directement lié au manque d’équipement : infection du à des chaussures trop abîmées.
Un berger gravement mordu par son chien de protection.
Plusieurs bergers en état de sous-nutrition car leurs éleveurs ne les ont pas ravitaillé.
Des violences
De la part de l’employeur : Des critiques injustifiées à répétition,
Des cris et des propos humiliants :« tu travaille comme un singe », « tu sens la merde » « travaille plus vite ou je ne te paierais pas »
Des propos racistes, homophobes, misogynes.
Une agression physique avec dépôt de plainte de la salariée.
Des violences verbales et physique de la part des touristes.
Plusieurs employeurs qui ont envoyés des SMS agressifs ou humiliants aux salariées.
Des violences sexistes et sexuelles, notamment un viol.
Des problèmes de fin de contrat :
Pour se mettre en sécurité, les salariés sont obligés de se mettre en arrêt maladie, de démissionner, de faire valoir leur droit de retrait, de rompre leur contrat pour faute grave de l’employeur.
Des salariés ont subit du chantage lors de la remise de la dernière paye : remise du chèque à condition que le salarié signe le solde de tout compte.
Des employeurs qui tardent à remettre les attestations France Travail, mettant les salariés en difficulté.
Des salariés qui ont peur de représailles de la part de leur employeur.
On ne peut pas dire que la situation est pire que ce que l’on imaginait, car nous sommes bien conscients des réalités de notre métier. Par contre ce qui nous frappe, outre l’ état d’épuisement physique et moral des salariés, c’est la grande culpabilité qu’ils ressentent à ne pas pouvoir bien faire leur travail, alors même que ce sont eux les victimes des employeurs peu consciencieux voire malveillants.
Si ces salariés décident d’arrêter de garder des troupeaux, ce ne sera pas par manque de passion, mais bien à cause de leur conditions de travail et de la violence des situations auxquelles ils font face.