Le patriarcat grimpe jusque dans nos montagnes. Ensemble, balayons-le !

A l’occasion du 8 mars – journée internationale de lutte pour le droit des femmes – les gardiennes de troupeaux organisées au sein du syndicat SGT-CGT prennent la parole et témoignent de leurs conditions de travail: Voir le témoignage en entier ici.

Pour mes chiens, c’est comme pour mes bergers, je ne prends que des femelles, ça se dresse mieux.

«La passion», l’oubli de soi, le sens du sacrifice, les performances physiques et la
capacité à subir la rudesse du milieu sans sourciller, sont mis en avant. Des valeurs
viriles et sans rapport avec notre métier. Et un certain niveau de souffrance au
travail est considéré comme tout à fait normal. On entend souvent qu’il faut «avoir
le mental». Nos connaissances, ce que l’on sait faire, ça n’a pas de valeur. Il faut
être un dur et fermer sa gueule.

Un contexte propice aux violences de la part des employeurs…
«Comment va ma bergère? » «celle-ci c’est la mienne, personne n’y touche!» Le brouillage des limites entre vie privée et vie personnelle est très banal dans le métier. Mitoyen de la notion de «métier passion», il s’agit d’un des leviers de l’engagement. Certains vont jusqu’à dire que «le berger fait partie de la famille». Si l’on ajoute à cela la dimension genrée des rapports sociaux, et l’isolement dans lequel nous travaillons, on comprend vite que les bergères sont exposées à tout un panel de violences. Si certaines semblent anodines aux non avisés, elles existent et sont significatives. Elles sont un point de départ, depuis lequel l’escalade est toujours possible: nous sommes tenues de rester sur nos gardes.
Il est parfois difficile de dire NON, de dire STOP, d’être prises au sérieux, écoutées
et entendues. Particulièrement dans le cadre d’un rapport hiérarchique, qui ne
s’assume pas.

…Mais aussi des autres usagers de la montagne
«Vous êtes toute seule ici? » Nos employeurs n’ont pas le monopole des violences, c’est toute notre profession qui est objectivée: les pâtres ne sont pas considérés comme des travailleurs, mais comme les simples figurants d’un paysage décor. Il est donc tout à fait normal de frapper à la porte de leur cabane et de ne pas respecter leur intimité. Par leur genre, les bergères sont objectivées deux fois. Pensez à tout l’imaginaire de la bergère dans le folklore populaire, aux chansons de Brassens. Isolées sur leur lieu de travail, logées dans des cabanes qui ne ferment pas toujours à clef ou qui sont parfois mitoyennes d’un refuge, elles sont particulièrement exposées aux violences sexistes et sexuelles. Les exemples d’agression ou de situations dangereuses ne manquent pas. En l’absence, relativement fréquente, d’eau courante, il faut se laver au torrent. Nous sommes parfois
surprises par des personnes de passage, parfois délibérément observées.

Lutter collectivement
Chacune de ces situations semble très spécifique à notre métier. Pourtant de
nombreuses femmes peuvent établir des liens avec leur propre vécu au travail et
dans la vie. Le dévouement, la docilité, l’impuissance qu’on nous prête,
l’appropriation de nos corps, le mépris de nos qualifications… cela nous concerne
toutes. Partout, les femmes doivent faire leurs preuves. Elles doivent se battre, elles
doivent être fortes, mais sans faire de bruit.
Les bergères sont poussées dans leurs retranchements. Pour être reconnues, on nous
laisse le choix entre la docilité et le virilisme. Soit je la ferme et je fais gentiment
ce qu’on me dit. Soit je leur montre que «moi j’ai des couilles »: je pousse, je
force, je me mets en danger, je m’use.
La troisième voie est celle de l’affirmation collective du droit au respect et à la dignité.
Celle de la lutte collective contre l’isolement, contre le silence, contre la standardisation et la discipline qu’aimeraient nous imposer le capital et le patriarcat.

 

Afin de se préparer au mieux pour nos saisons d’estive, un stage d’autodéfense féministe à destination des bergères aura lieu les 4 et 5 mai :

Stage d’auto-défense féministe pour bergères et gardiennes de troupeaux