Vachère

Je suis vachère.

Je finis une saison et donne parole pour revenir l’année suivante.

On se met d’accord pour quelques améliorations avec les éleveurs. Entres autre :

L’achat d’un véhicule de travail, adapté à la piste et aux chargements de matos, pour éviter l’utilisation de mon véhicule perso. Et mise en place d’une cuve alimentaire au captage d’eau pour remplacer la vieille citerne de fosse sceptique faite d’ un plastique des années 30 qui s’effrite.

Ravie de ces nouvelles conditions, j’arrive sur l’alpage en pleine forme, et très enthousiaste. Une nouvelle saison qui commence en joie. En route, j’appelle le président du groupement pour lui donner mon heure d’arrivée. Il me dit « appelle truc-muche, c’est lui qui a les clés de la cabane ». J’appelle truc-muche, mais il ne réponds pas. J’appelle l’autre truc-muche du groupement, pas de réponse. Je passe les villages, et décide d’aller jusqu’à la cabane, me disant que l’un d’eux doit bien y être, ils se sont coordonné j’imagine. Ha ben non, personne. Bon, j’attends un peu, rappelle. Personne réponds. Je suis là devant la porte, voiture chargée, fatiguée de la route, et sachant que j’ai des heures de ménage qui m’attendent. Je suis déjà dépitée de ce peu de considération. C’est presque humiliant. Au bout de 3 heures je contacte la mairie et leur demande s’ils ont un jeu de clé, les éleveurs n ‘étant pas joignable. Et heureusement, car j’aurai pu attendre encore longtemps, ils ne m’ont rappelé que le lendemain.

J’ouvre la porte, les volets, le robinet. Pas d’eau.

Les travaux sont en cours. L’entreprise qui me dit « ha, on nous avait dit que vous arriviez plus tard » ha ben non, je suis là. Sans eau. Alleeeez, prends ton bidon, va au village.

Bon y a pire dans la vie, je relativise ! Et puis, c’est quand même en cours, ça arrive, ça arrive…

Le véhicule aussi va bientôt arriver… Il l’ont acheté mais faut encore aller le chercher, il est pas dispo. Donc je commence le taf avec ma caisse. Allez, charge et décharge le sel, les piquets, les clôtures et tout , t’as pas le choix de toutes façon.

Les premières vaches arrivent. Au premier déchargement, déjà deux blessées, ça saigne, c’est rouge, y’a les mouches. Je râle « on monte pas des bêtes blessées, moi pour les soigner ici, je leur court après ». Vous montez en alpage un troupeau sain, et on vous rends un troupeau sain. La base.

D’ailleurs la pharmacie n’est pas prête non plus. Reste un fond de bombe de l’an dernier et un vieux shotapen. Par contre j’ai mille seringues, va savoir pourquoi, ça y en a toujours ?!

Ça commence comme ça. A chaque fois, à chaque saison ça commence comme ça putain.

Même quand tu crois avoir (enfin) trouvé un plan correct. Tu arrives, rien n’est prêt, Huit mois sont passés mais rien n’est prêt. Nous, on arrive, ça fait des mois qu’on se prépare. On est là, tout est prêt. On a racheté nos équipements, soigné nos caries, fait des listes, réparé la bagnole pour arriver à temps et à destination, dressé nos chiens, fait nos courses de base… etc…

Et comme chaque fois, au lieu de démarrer autonome et satisfaite, dans les conditions définies ensemble, dans le cadre posé en amont, ben non, on trime. Alors, on appelle déjà, on vous sollicite et çà fait chier. «On est d’accord, le gaz et les croquettes c’est à votre charge ? Non je demande parce que y’en a pas. » On reste dans l’attente de réponses. Vos réponses toujours vagues. Et celle qui revient chaque début de saison « haaa j’peux pas j’ai les foins » Et moi putain, j’ai les nerfs.

Et on connaît la suite : A la fin du mois de Juin, quand on recevra notre premier bulletin de salaire, on vous appellera pour vous dire « y’ a une erreur sur la fiche de paie », et vous nous répondrai « je sais pas c’est pas moi, faut voir avec la comptable », comme d’hab.

Allez, encore une saison à passer.