Lorsque les éleveurs nous confient leurs troupeaux, nous devons nous en occuper en autonomie, en étant présent 24/24H sur notre lieu de travail. Nous sommes rémunéré 35H à 44H par semaine, quelque soit le temps réel que nous avons travaillé. Notre rémunération est bien en deçà de ce qu’elle devrait être, et le temps de travail (vraiment) réalisé va bien au-delà du temps de travail légal.
En 44H, nous devons nourrir les animaux, les soigner et les protéger des prédateurs, tout en gérant la ressource en herbe et respecter d’éventuelles MAEC. Si l’on considère qu’une brebis doit pâturer 8H par jour (en montagne, c’est souvent plus), sur une semaine de 6 jours, cela représente déjà 48H uniquement pour la garde. A cela, on rajoute le temps de la chaume, faire les parc, soigner les animaux, entretenir les installations, effectuer le ravitaillement, faire les constats de prédation, rechercher des bêtes, soigner les chiens…
Cela fait beaucoup d’heure de travail qui n’apparaissent pas sur la fiche de paye ! Nous sommes dans une situation de travail dissimulé qui est généralisée.
Pour les gardiens de troupeaux, c’est la triple peine:
- Nous sommes forcés de travailler « gratuitement » puisque nous ne sommes pas rémunérés pour toutes les heures supplémentaires que nous effectuons au delà de nos contrats.
- Toutes ces heures non déclarées ne sont comptabilisées ni pour notre chômage ni pour nos retraites.
- Cette surcharge de travail a un coût: nous la payons de notre santé.
Durant la saison d’estive 2023, de nombreuses bergères et bergers se sont heurtés a un problème similaire et qui ne date pas d’hier : les éleveurs nous demandent de mentir, et de signer des fiches horaires trafiquées destinées à l’inspection du travail!
Il fait effectivement partie de nos obligations en tant que salariés agricoles de remplir des fiches qui renseignent nos heures effectuées – qu’on le fasse ou non, on est sensé les remplir.
Les éleveurs, conscients qu’en estive nos horaires réels sont loin d’être ceux spécifiés sur notre contrat de travail (qui parlent de 44h maximum par semaine), nous demandent avec plus ou moins d’insistance de remplir ces feuilles en mentant.
Chantage à la réembauche l’an prochain, chantage au versement du salaire, chantage à l’édition de la fiche de paie, tous les moyens sont bons pour convaincre les berger.es de se plier à la consigne – même les moins jolis!
Seul.e dans la montagne, avec la fatigue accumulée, difficile de tenir tête à ceux qui nous embauchent, même quand on sait que ce qu’ils nous demandent est illégal et abusé.
Pourquoi font-ils cela?
La FNSEA conseille aux éleveurs de faire remplir les fiches horaires selon les intérêts des employeurs. Nous déclarer 44h n’est pas en accord avec la réalité de notre travail mais permet de justifier les petits salaires qu’on touche – ils n’auront jamais intérêt à ce que la réalité de notre travail soit chiffrée !
Mais alors que faire ?
Certains bergers sont arrivés à un accord avec leur employeur : ne pas écrire sur les fiches en question les horaires précis, mais seulement spécifier lorsque les jours ont été travaillés et les repos pris. Les horaires sont notés à part. Cela permet aux éleveurs de rendre quelque chose en cas de contrôle, et aux bergers de produire des documents qui attestent de la réalité des heures effectuées.
Pour celles et ceux qui ne peuvent pas faire autrement que de signer des feuilles horaires vierges ou que de mentir : il est fortement conseillé de noter A PART ses horaires réels. Il peut même être pertinent de spécifier, par écrit, les pressions subies – que ce soit par mail ou par SMS, afin de laisser des traces écrites. Un simple « J’ai remplie la fiche horaire avec les faux horaires que tu m’as demandé » suffit, en cas de conflit, à prouver qu’une pression a été mise.
Si, lors des négociations des avenants départementaux ou même d’un avenant national, la FNSEA ose s’appuyer sur des feuilles signées qui parlent de 44h effectives par semaine, nous leur opposeront les cas des camarades qui subissent la pression, ainsi que des fiches horaires RÉELLES que nous avons récoltées.
Il ne s’agit pas de compter nos heures à la minute : avec les SGT, nous nous battons pour que les spécificités du métier de gardien de troupeaux soient reconnues – y compris au niveau des horaires.
N’hésitez pas à témoigner, même anonymement :
- sgtpaca@riseup.net
- sgt38@riseup.net
- syndicatdespatresdu65@gmail.com
- sgt_ariege@riseup.net